Et un vrai jordaniversaire !

Aujourd’hui j’ai trente ans.

Quelque chose me semble presque dissonant dans le fait d’avoir trente ans. Lorsque j’étais encore adolescente, je m’imaginais dans une toute autre situation. Un mari, peut-être des enfants, un contexte très classique, très « je-rentre-dans-le-moule ». Car indirectement c’est un peu ce qui attendu. A quinze ans je pensais faire Polytechnique, je pensais devenir météorologue, je pensais étudier à Toulouse, je pensais obtenir un statut professionnel reconnu et le salaire qui irait avec. A quinze ans je plaisantais avec un ami de longue date (nous nous connaissons depuis que nous avons trois/quatre ans), nous disions que si à trente ans nous étions célibataire, alors on se caserait ensemble. Comme si avoir trente ans et être seul n’était pas acceptable ni vraiment possible. Comme si à trente ans, c’était la dernière chance. Et à la fois cela semblait si loin.

Et finalement je n’ai pas étudié les phénomènes extérieurs mais les phénomènes intérieurs. La vie d’expatriée est devenue ma pluie et mon beau temps pour ce passage de cap. Jamais je n’aurai pensé célébrer cette nouvelle dizaine à Amman en plein Ramadan. Jamais je n’aurais pensé être « volontaire » à 30 ans. Jamais je n’aurai pensé ne pas être dans une situation stable à un âge bien avancé pour mes yeux d’ado. Trente ans… c’est vieux ! Où est la maison ? Où est le labrador ? Où sont les petites têtes blondes ?

Et pourtant je réalise, depuis 2 ans maintenant, le champ des possibles et je n’ai probablement jamais été aussi active, agitée. Les quelques mois précédant mon départ et de sources différentes (incluant des personnes de mon âge) on me faisait remarquer :

  1. Que je vivais seule même en étant en couple
  2. Que je ne parlais pas d’acheter un appartement
  3. Que je ne parlais pas de faire un enfant

Et pourtant je suis bien heureuse de ne remplir aucun de ces critères ! Car en enroulant mon keffieh autour du cou, j’enroule mes aspirations personnelles et mes découvertes. J’enroule mes projets. J’enroule sans doute aussi mon instabilité. Je suis indépendante. A l’aube de cette nouvelle décennie, une envie de tout chambouler prend place. Envie de prendre des risques. Envie de perdre tous mes repères. Envie d’être là où je ne suis pas attendue. C’est ça une crise de la trentaine ?

En discutant grossesse avec mon meilleur ami il y a quelques semaines, et face à leur multiplication dans mon entourage, j’ai établi que ma limite pour un premier enfant : 34 ans et 9 mois. Ma mère m’ayant eu à 34 ans et 1 mois, j’ai estimé que c’était bien. Mais pourquoi alors me fixer une limite ? Comme si à partir du moment où j’aurais 34 ans, il faudrait aussi que je sois sérieuse et posée (même si je suis déjà bien sérieuse à 30 ans). Comme si 34 ans était la limite que je juge acceptable pour rentrer dans ce fameux moule. Comme si je me donnais encore 4 ans de liberté.

Alors je souhaite célébrer mes 31, 32, 33 et 34 ans dans des contextes aussi stimulants, en France ou ailleurs, sans maison, sans labrador et sans petites têtes blondes (ou alors celles des autres).

Inch Allah !