Retour de break

Cela fait quelques jours que je suis revenue à Bangui, pourtant paris me semble déjà bien loin tant les journées ont été chargées au bureau. Passer en France m’a laissée assez ambivalente : février est un mois morne et triste, la longueur de l’hiver se lisait sur les visages, les journées semblent infiniment grises. J’ai été encore surprise par la méconnaissance de l’Afrique lors de mes conversations. Difficile de retrouver sa capitale lorsqu’il n’y a plus de points de chute et lorsque je dois faire face à des situations dont je me serais bien passée en vacances (aussi bien une infection urinaire que mon sous-locataire qui me lâche…). Le décalage entre les réalités est toujours aussi dérangeant parce qu’il est insaisissable. Le matin, avant de prendre mon avion, nous perdions un des enfants hospitalisés. Le soir, dans le vol, je sirotais un gin tonic entre deux turbulences. Le samedi en arrivant, je mange une galette des rois. Où doit-on se positionner? Où est la réalité ? D’ailleurs je rêvais quasiment toutes les nuits du travail ou des collègues. Car Bangui n’existe pas à Paris. Il n’y a pas de continuité. Qu’est ce qui prouve que je suis réellement en RCA à Paris ? Je me sentais par moment plus stressée et épuisée en France qu’avant de partir en break.

Mais quel plaisir de marcher, de flâner, de déambuler, de traverser les avenues et les ponts, de prendre un apéritif, de manger japonais, thaïlandais ou juste bien français… tous ces plaisirs d’expatriés rentrant au bercail. Et finalement, pour retrouver ses repères, le plus efficace a été ces moments avec les amis, le noyau dur, ceux qui finalement me réinscrivent dans mon histoire personnelle, dans la continuité. Ceux qui étaient là avant, pendant et qui le seront après. C’est peut-être là où l’expat que je suis peut trouver ce qui me permettra d’être rassurée à mon retour définitif.

Ainsi le retour se fait d’abord avec une vue panoramique sur les Alpes depuis mon hublot, alors que j’y étais 10 jours plus tôt, puis avec une transition thermique assez importante (38 degrés à Bangui), puis avec une charge de travail délirante (mais pourquoi est-ce que j’ai planifié 2 jours de formation si proche de mon break). Les premiers soirs, il faut retrouver sa place dans le quotidien, à la maison, entre collègues et entres colocataires. Il faut jongler entre les différents niveaux de solitude : l’isolement parisien, le sentiment de détachement d’avec son histoire, l’attente dans une salle d’embarquement à l’aube, retrouver ses marques au niveau de l’équateur.

Cela dit, toutes ces questions s’évaporent rapidement car l’une des chargées des pratiques de soins m’a sollicitée pour un cas un peu compliqué : une mère souhaitant abandonner son enfant actuellement hospitalisé pour malnutrition aigüe sévère, présentant un retard intellectuel et certaines malformations physiques. En creusant, il s’avère que l’enfant est issu d’un viol qui a eu lieu durant les événements de 2013. Et là, j’apprends aussi qu’elle n’a pas réellement été suivi à l’époque et qu’elle a contracté le VIH aussi. Et là, j’apprends qu’elle a des conduites à risques et qu’elle cherche à contaminer volontairement des hommes. Et là, j’apprends qu’elle a déjà tenté de tuer son gamin. Et là, je me dis : bon ok, c’est vraiment un pays de m*rde. Car, j’imagine aisément la façon dont elle aurait pu bénéficier d’un soutien si elle était dans un autre contexte, j’imagine comment l’enfant aurait pu être pris en charge.  J’ai ce cas sur le bras, je téléphone à droite à gauche pour trouver une idée. L’affaire est en cours. Une situation que je vois déjà foncer dans le mur. Je suis bien en dehors des clous de mes responsabilités et je suis démunie.

La solitude n’est pas qu’à la maison, elle peut aussi s’inviter au bureau.