Apprendre à s’écouter

Cela fait plus d’une semaine que je n’ai rien posté, je ne sais pas si c’est cette pseudo crève qui a mis mon cerveau en pause, mes maux de gorge qui m’empêchent de parler… même par écrit… ou juste le temps qui s’échappe.

IMG_5925Curieusement un bon nombre de personnes issues de différents cercles amicaux ont été dernièrement malades avec ces symptômes de mini grippe, courbatures, fièvre, maux divers et varies. Est-ce l’effet « premier trimestre » ? L’agitation de ces semaines successives, sans relâche, l’hyperactivité sans temps mort qui a amené un certain nombre d’entre nous au point de rupture physique ? Probablement. J’ai beau tenter de me reposer, la fatigue s’est “chronicisée”. Mes cernes ne s’estompent pas… (Je n’avais jamais eu de cernes à Paris…) et parfois je n’ai même plus l’énergie de gratter mes piqures de moustique, c’est dire.

Pourtant il s’en passe des choses en une semaine : un serpent au bureau, des steaks au resto, des petits-déjeuners dans l’un des hôtels les plus coté de Yangon, du shopping écolo-fair-trade, un curry au lait de coco, des fou-rires à la pelle et du travail par-dessus la tête ! Les Birmans sont toujours aussi agréables et souriants. La première session des cours de birman arrive à sa fin, je sais donc dire tout un tas de choses, compter, pas encore lire ni écrire… Je vais préparer une nouvelle routine pour le mois de janvier mais avant ça, la seule perspective que j’ai en tête est de rentrer à Paris, de profiter de l’atmosphère de Noël et de passer du temps avec les personnes qui ont réussies à me soutenir et à me donner l’énergie des premiers jours ici car quand j’y repense… je ne faisais pas du tout la fière ! J’en suis même arrivée au point où j’ai finalement avancé mon départ.

On sous-estime parfois comment le travail peut être un réel magicien et nous hypnotiser au point d’oublier de s’écouter, au point où on n’entend même plus petits signaux internes qui chuchotent « fais une pause » « accorde toi un vrai repos ». Et ça se sent, je ne vois plus très clair sur mes objectifs.

La roue tourne

La roue tourne

L’expatriation pourrait s’associer, en ce sens, à une forme de méditation. Ça tombe bien, je suis en Birmanie. Ce que je veux dire par là c’est qu’à l’autre bout du globe, aussi loin de sa maison, il faut véritablement apprendre à s’écouter, à se fier a son instinct là où nos repères manquent, à dérouler le tapis rouge à l’introspection. C’est là que je réalise que mon corps ou ma tête dictent très souvent des envies ou plutôt m’apportent des recommandations : aliments, boissons, repos, sorties, activités diverses et variées. Un peu comme ces moments où on se dit « ah je devrais prendre un parapluie » alors qu’il y a un grand soleil. Notre cortex primitif reste une source d’intuition absolument fiable et dans notre routine occidental où tant de choses pensent à notre place, on oublie d’entendre nos propres appels et on se retrouve sous une averse que rien ne pouvait alors prévoir !

Je découvre aussi le nombre de coïncidences et de petits signes du destin qui peuvent se passer si on arrive à s’écouter, un petit neurone qui te dit « mais si, force toi a aller a ce diner » pour finalement rencontrer une personne qui m’a présentée à la bande d’ActionAid avec laquelle je traine le plus souvent et avec qui je ris à me tordre le bide, ou bien un autre petit neurone qui te pousse à bouger dans le centre-ville en plein dimanche après-midi pour finalement tomber sur 2 personnes rencontrées par hasard la veille et passer une superbe soirée dans un restaurant Kachin…

Et là, clairement, mon corps me dit : « repos ».

J’ai besoin de ça pour reprendre un peu de perspective, pour prendre mon second souffle, et pour avancer sur mes nouveaux chantiers.

Pour l’heure je veux que ma seule préoccupation soit celle de savoir comment transporter mon éléphant en papier mâché qui est trop gros pour ma valise cabine. Le reste attendra le 29 décembre.

LGBT film festival #1 in Yangon

DSC05837Samedi soir se tenait le premier festival du film LGBT avec principalement des courts et longs métrages asiatiques, une première en Birmanie, et très fièrement, je précise que tout cela se déroulait à l’institut français, avec l’appui des organisateurs des fab party… (oui oui, on devine bien les logos MDM) Le clou du festival était la venue de Phyu Phyu Kyaw Thein, décrite comme la lady gaga birmane (petite précision, sa sœur, chirurgienne cardiaque, crée aussi ses tenues de scènes…). Tenue bien moulante en dentelle rouge, pantalon fendu, on est bien loin du longyi ! Une voix assez inattendue quand on voit le gabarit de la nénette, on pourrait presque dire « quel organe », plutôt du côté bariton que soprano. Performance d’une trentaine de minutes, entre compositions personnelles et reprises, dont I want to break free, chanson qui prend réellement un sens tout autre dans un pays comme la Birmanie entourée de gays et trans… Les birmans présents étaient déchainés face à leur idole. Dans sa globalité c’était un moment totalement étonnant et touchant. Les choses bougent, avancent. 10444629_879039228797182_7279787042226766136_n Cependant, mon moment préféré a été la performance d’un travesti qui se dandinait sur scène en “playbackant” quelques chansons… pour finir en soutien-gorge (vide) et sans perruque. Elle a fait un rappel sur une chanson dont le refrain disait « blow me »… je ne suis pas sûre que le public ait saisi la subtilité de la chose, ou alors j’ai l’esprit totalement tordu… Puis avec un pistolet en plastique, il tirait des coups (!!) par-dessous ses longues jambes… Si Freud avait été dans le public il aurait pu écrire 5 livres d’interprétation des symboles sur une seule prestation de notre chère travestie… divinement Proud ! 10620222_879031798797925_5192831254844730363_o 10679961_879039495463822_4392249637855287670_o

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Birmaniversaire #2

Deux mois. Selon doctissimo c’est le mois des nausées, de la fatigue, des courbatures, c’est le mois où les risques sont toujours bien présents, où le bébé prend forme.

DSC05843Pas de symptômes de grossesse donc, mais mon bébé prend effectivement forme, pas nécessairement à la vitesse à laquelle j’aimerais. Les projets RH se dessinent plus nettement, j’ai pu rencontrer une majorité des équipes terrain dans le Kachin et à Pyapon, j’ai rayé certaines lignes de ma « to-do list », j’en ai rajoutée au moins tout autant, j’avance, j’apprends, moi aussi je grandis mais sans liquide amniotique.

 

La perspective de Noël en famille me rassure mais j’ai dû composer avec un sentiment de frustration assez prononcé. Par moment, lorsque je suis au cœur d’une activité particulièrement amusante ou d’une situation loufoque par exemple, je suis sérieusement agacée de ne pas pouvoir la partager avec quelqu’un qui m’est cher. Je suis seule témoin de cet événement alors que j’aimerais vivre cet instant à 2 ou à plusieurs. Oui, j’ai maintenant une petite bande avec laquelle je traîne et j’éprouve pour chaque membre qui la compose une profonde sympathie et un grand respect pour le travail qu’ils font ici mais ce n’est pas pareil. Ce ne sont pas « mes » proches. Je réalise petit à petit cette recherche de continuité qui m’anime et ici les choses auront un terme. Et c’est précisément ce hiatus-là qui me frustre. Enfin, je crois.

Il parait qu’en moyenne il faut 3 mois pour s’adapter. Alors soit j’ai eu une adaptation éclaire, 1 mois, soit ce que je ressens actuellement fait partie du cheminement classique des 3 mois.

Ce travail me fait avancer, cette mission m’enrichit et en même temps elle me teste. Elle teste ma maturité professionnelle : je réalise que je ne possède pas réellement de réflexes « terrain », qu’entre différents interlocuteurs je peux me perdre (ou perdre patience), que malgré tout il me faut, encore à mon âge, des coups de pieds au derrière des feedbacks pour retourner sur un chemin plus pertinent et mieux avancer. Mon surmoi me fait régulièrement la morale et peut aussi me renvoyer un sentiment proche de l’incompétence en me rappeler au passage que je n’étais pas le premier choix pour le poste (oui, il peut être totalement sadique et chiant par moment). Cette mission teste mes angoisses : j’ai développé l’inquiétude de « perdre du temps » et bien entendu, petite demoiselle avec les yeux grands ouverts, j’ai besoin qu’on me rassure parfois, j’ai besoin de retours positifs. Sauf qu’ici, une petite demoiselle ne sera pas rassurée, elle doit être opérationnelle et apporter des solutions, elle doit être efficace et méticuleuse, elle doit être sûre d’elle et avancer car 9 mois, c’est long, mais c’est très court. Mon romantisme se retrouve rembarrer par cette réalité professionnelle plus froide, même par 35°C. Je suis au cœur d’une expérience où ma sensibilité s’éveille à chaque instant mais où je dois composer avec un travail plutôt rêche. Mais j’essaie de mon mieux avec les outils dont je dispose, avec le savoir que je développe et avec mes piqures de moustiques. Elle teste aussi ma patience : la barrière de la langue peut parfois me ralentir encore plus, il faut demander plusieurs fois la même chose, plusieurs jours d’affilé avant de l’obtenir (et pourtant j’ai appris à m’exprimer de façon simple et synthétique). Et je me retrouve la tête sous l’eau rien qu’en pensant aux échéances qui s’approchent plus rapidement que le Concorde. Évitons de finir façon « Gonesse ».

Si vous ajoutez à ça des mauvaises nuits successives dans le décor alors vous avez une mise en scène proche du naufrage du Titanic.

Mais bon, la bière Myanmar est plutôt agréable et légère, ça aide, et les week-ends restent plutôt animés…
Je me demande parfois si l’expatrié de base n’a pas une légère tendance à l’hyperactivité ou si c’est juste dans ma tête. Il faut combler les moments creux le plus possible, anticiper les weekends pour être sûr de faire quelque chose, de voir du monde, de s’aérer l’esprit, et d’avoir sa dose hebdomadaire de houblon recommandée par l’OMS.

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Alors, quels sont les signes d’une adaptation réussie après 2 mois ? Est-ce de ne plus s’extasier devant chaque Pagoda ? Ou avoir sa première tenue Birmane sur mesure ?

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Prochain point #birmanieversaire en direct de l’aéroport… !