Voilà 2 mois. J’ai pris le temps de relire mes précédents blogs de 2 mois pour trouver l’inspiration et noter des différences.
Globalement en fait je ne me reconnais ni dans ce que je pouvais ressentir à Bangui, Amman ou Yangon. Je me sens assez bien et plutôt insérée dans le quotidien. J’ai toujours un rythme professionnel en accordéon avec des moments de rush et des moments d’attente. Je ne ressens ni lune de miel ni agacement. Je flotte.
Oui, il y a ces périodes de mélancolie, il y a ces réveils compliqués tout noirs et ces nuits troublées par des cauchemars. Mais il y a aussi ces fou-rires partagés avec les collègues ou les amis. Il y a les frustrations professionnelles et l’intérêt que je porte au job. Il y a ces bananes plantains dans les assiettes et ces danses de robot sur la piste du Katios face aux déhanchés maîtrisées de la gente féminine camerounaise. Il y a ces journées où je ne quitte pas l’appartement et ces parties de billards au pub du coin. Il y a quelques semaines, j’ai rêvé d’une amie de France (oui toi Charlotte) et en me réveillant j’avais perdu le sens de la géographie, comme si je pouvais en un trajet de métro la voir. Il y a cette nature verdoyante, ces orages dont je ne me lasse pas, ces déluges. Il y a aussi ces enfants des rues qui vendent des cacahuètes, les personnes qui dorment dans la rue alors que j’attends le chauffeur pour me ramener de l’institut français à la guest-house.
Comme ce qu’on peut vivre lors des trajets en métro à Paris… les cacahuètes en moins.
S’expatrier est tout de même une très chouette expérience. Je comprends qu’on puisse devenir accro, surtout quand on a la chance de systématiquement rencontrer de belles personnes. Parfois je me plais à croire qu’il s’agit d’individus dont j’ai pu croiser le chemin lors de vies antérieures tellement la connexion peut se faire de façon naturelle. Je pense notamment à Caroline, ma colloc-collègue avec qui nous partageons de nombreux traits de caractère et goût. Nous parlons littérature tout comme nous parlons de nos galères de meufs. Nous rigolons en faisant nos courses lorsque j’exprime la joie de trouver un gel douche qui sent particulièrement bon sur les étalages tandis qu’elle me le montre dans son caddy. Les blagues d’humanitaire : parler cuisine et de vaisselle sous la forme d’un cadre logique avec des activités 1,2,3 et sous activités 1.1, 1.2, 1,3 avec des indicateurs de résultats (sur le % de satisfaction gustative évaluée à l’aide d’une échelle standardisée par exemple) mais aussi une évaluation des risques et mitigations (notamment si les voisins s’invitent ou s’il n’y a plus de gaz dans la bonbonne), le tout autour de la table de piquenique sur la terrasse du bureau, à l’abri du parasol.
Etre sur un poste de coordination est certes intéressant mais tellement moins « les mains dans le cambouis ». A Bangui, j’allais presque tous les jours dans nos centres de santé. Ici, les activités sont à plusieurs heures de voiture (ou d’avion). J’aimais être avec les équipes, j’aimais réfléchir avec eux, j’aimais partager leurs difficultés. Maintenant, on me « remonte » des difficultés, on me sollicite « après-coup ». La vision globale sur un pays et non une zone permet de saisir des enjeux différents, de mettre de la perspective dans tout cela, de nourrir un terrain de l’expérience de l’autre, qu’il y a plus de transversalité, ce qui me manquait finalement à Bangui. Donc oui, on peut dire qu’après deux mois je cherche encore mes marques professionnelles.
Allez, ce mois-ci j’ai acheté des pagnes, je suis allée voir la couturière. A quand les plantes vertes ? (Oui Junior… je sais ce que tu vas dire…). J’ai essayé le squash et ai pu faire de la natation. Mon estomac se porte bien, pas de maladie curieuse à l’horizon mais beaucoup de piqures de moustiques (et d’insectes non identifiés pour l’heure).
Je continue donc ma route à Yaoundé, je continue de me familiariser avec la géographie et ces contextes si complexes. Je réfléchis aussi aux cadeaux de Noël petit à petit et me fais des nœuds dans le cerveau à chercher comment combiner test COVID et retour le dimanche 27 décembre au Cameroun.