Un air de jamais-vu

La situation s’améliore dans la mesure où chemin faisant les journées de travail se chargent et passent vraiment vite. Vient le week-end où les temps morts laissent plus facilement transpirer les angoisses, encore. Le climat est aussi plutôt fatiguant, la succession clim/chaleur, soleil brulant, averses torrentielles tirent pas mal d’énergie du corps peu habituée d’une Parisienne…

A partir du 7 octobre, pour 8 semaines, je vivrai au rythme des cours de birmans. Une routine, même temporaire, sera vraisemblablement salutaire. Cerise sur le gâteau, l’institut français est à côté de la guest-house. 2 fois par semaines, mardi et samedi, mes petits neurones linguistiques seront à l’épreuve. Seul hic, je sais déjà que je vais rater des cours pour cause de déplacements terrain.

 

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IMG_5432 Vendredi soir se tenait une soirée d’ouverture d’une exposition d’art contemporain birman, une galerie donnant directement sur la Yangon River, Transit Shed 1. Un festival d’art contemporain à base de débats, de projections, d’atelier… Perso j’étais plus intéressée par le cocktail d’ouverture… Je trouve qu’une visite de ce type est aussi intéressante pour les œuvres exposées que pour la faune environnante et effectivement, beaucoup d’expatriés, des longyis et quelques birmans « excentriques », facilement transposables à Paris. Quelques photos des œuvres…

 Don du ciel : j’ai trouvé plus tard dans la soirée où boire des aperol spritz ici !

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Le réseau internet est vraiment mauvais ces derniers jours mais autre don du ciel, j’ai pu tenir une discussion d’approximativement 30 minutes sans trop de coupures sur FaceTime après 3 tentatives avec Lui, et même voir le couché de soleil parisien depuis la fenêtre de sa cuisine. Le partage de choses aussi anodines que cela adoucit le fait qu’ici, la nuit tombe en un quart d’heure, entre 17h45 et 18h (et le solstice d’hiver est encore un peu loin…)

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Samedi et dimanche se sont résumés à quelques pérégrinations citadines : autour du marché theingyi zei puis du marché bogyoke (on m’a présenté à une couturière), FMI center (très occidental, mais j’ai repéré quelques denrées alimentaires importées au city mart !). Situés côte à côte le contraste est plutôt étonnant. Et pour compléter le tableau, de l’autre côté de la rue se trouve la mosquée diffusant à 17h30 la prière du soir en dolby suround dans la rue.

 

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Le musée national est assez curieux, assez intéressant. Un mélange historique, préhistorique, de boîtes à bétel royaux, de crachoir doré, de parures, d’instruments de musique, de photos, de reproductions, de maquettes… Pas de photo possible, vous allez devoir voir par vous-même un jour.
La chaleur prend vite le dessus…

 Et pour le reste je vous laisser découvrir quelques vues supplémentaires de la vie à Yangoun.

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Décalage immédiat

Prenez une jeune fille pour qui la solitude est une source d’angoisse profonde, un pays (voire même un continent) qu’elle ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, une paire de birkenstock, un peu de décalage horaire dans les dents, mélangez tout ça et vous obtenez ma situation actuelle avec 2 piqures de moustiques en prime.

Les quatre derniers jours parisiens ont ressemblé à un véritable marathon en apnée, shootée après 6 vaccins d’un coup, pas le temps de me poser (et de me reposer), j’en paie peut-être un peu le prix.

Alors quand je finis ma journée de travail à 17h38 pour être à 17h40 dans la guest house, je n’ai de cesse de me demander « Mais pourquoi me suis-je mise dans cette situation ? Pourquoi me mettre toute seule en difficulté ? Qu’est-ce que j’ai voulu aller prouver à la terre entière ? ». Parce que la vision de l’expatrié globe-trotteur n’est pas si romantique que cela et je prends une réalité qui me dépasse de plein fouet, une réalité pourtant classique, sans catastrophe ni conflits. Je me sens en train de vivre le rêve de quelqu’un d’autre. Ma première expérience d’expatriation m’avait insufflé un tel air d’indépendance que je pensais retrouver ce ressenti en arrivant ici. Jeune, étudiante, un territoire connu, une langue familière… Retrouver mon « auto-suffisance », ma capacité à être seule et épanouie était pour moi une quasi évidence.

Soirée de l’ambassadeur pour les newbies français, sans Ferrero rochers, j’en viens à me demander ce que tous ces gens font ici ! Ils racontent que ça fait 4 mois qu’ils sont là « quaaaatre moiiiiis entierssss ???? ».

C’est en pleurnichant, discutant, le premier soir auprès de Lui qu’il me cite Richard Bach : « Tu cherches les problèmes parce que tu as besoin de leur solution ».

Alors oui je voyais parfois dans cet exil une forme de psychothérapie et bien souvent cela débute par une première phase de décharge émotionnelle. Je me purge d’affects, mes angoissent n’ont que rarement été aussi vivaces, je suis à vif pour supposément construire une carapace plus saine que la précédente. Vous voyez, on la retrouve cette fameuse « mue »… J’essaie de me convaincre que ça va passer, je me force à m’inscrire dans la réalité, je planifie d’aller au festival du film européen (moi qui ne jure que par le mk2-bibliothèque)… mais tout ça dans une pseudo agitation non constructrice : il faut passer le temps.

Alors oui, il y a une forme de honte à être aussi sensible, à se laisser submerger littéralement par l’émotion, la distance, l’insécurité là où j’imagine des dizaines de personnes rêver d’être à ma place. Ma routine parisienne me semble d’un coup si confortable, mon projet de repeindre ma cuisine si simple et reposant… et pourtant je dois définir un mandat pour les travailleurs pairs, définir une stratégie de recrutement, redéfinir les conditions d’engagement et réfléchir à une politique médicale dans un pays où… etc. etc.

D’ailleurs, on ne dit pas vraiment « mingalaba » ici…