Et c’est en escale à Bruxelles que je débute ce dernier billet de l’expérience “Marouanaise”, les yeux fatigués, la bonne mine de cette dernière promenade sur le mont Fébé à Yaoundé, et le earl grey fumant devant moi. Cette dernière semaine a été le moment de dire au revoir à mes compagnons de 6 semaines et à recevoir étonnamment beaucoup d’amour en retour. Satisfaite de mon travail, je quittais la base de l’extrême nord sereine malgré la variable qui reviendra toujours : et après moi ? Le retour à la capitale a été marquée par une session inoubliable de karaoké et une bonne gueule de bois. A croire que ce retour “à la civilisation” rime avec excès, comme si ma tête voulait marquer le coup (et mon foie juste subir). Samedi matin je finalise tous les rapports : mon travail est terminé. J’envoie tout, efface mon historique, nettoie mes emails, sauvegarde mes dossiers et ferme l’ordinateur pour une dernière fois. Je suis presque étonnée de la facilité avec laquelle je boucle cette mission. Le dernier week-end a été l’occasion de découvrir un peu Yaoundé avec une collègue et de profiter de cette chaleur, devinant la météo qui m’attendrait à Paris, en plein mois de février. Puis dimanche, le coucher du soleil accompagne mon trajet vers l’aéroport.
Cette expérience a été riche d’apprentissage, notamment sur le contexte de la région, BH comme on dit ici, Boko Haram. Et j’avoue que lorsqu’à la dernière réunion sécu, on nous apprend que certains groupes posséderaient dorénavant des drônes, mon sentiment de sécurité a baissé d’un coup. Mes neurones m’ont alors fait la blague d’imaginer BH commander un drône sur amazon. Ce qui est nettement moins drôle est que cette crainte des attaques poussent les habitants de plusieurs villages à se cacher en brousse et y dormir afin d’éviter d’être présent la nuit dans les villages cibles de pillages et autres violences, kidnappings, meurtres…
Alors que paradoxalement j’ai hâte de m’enrouler dans ma couette. Réalise-t-on seulement la chance qu’on a? La petite nassara que je suis remplira donc son frigo en rentrant entre deux debriefings de fin de mission. Encore une fois je suis habillée n’importe comment à l’aéroport et retrouve autour de moi les tenues d’hiver, les beaux sacs à main. Encore une fois je vois le décalage criant entre deux réalités d’un même espace-temps.
Encore une fois, je me sens transposée un peu trop rapidement d’un univers à un autre et ne sens pas vraiment une place pour moi ici. Comme une sensation de tête dans le coton. Pourtant la mission n’était pas longue mais j’étais déjà dans un autre rythme, j’étais baignée dans un environnement visuel et sonore totalement différent. Je retrouve mes fantômes parisiens, certaines inquiétudes. Le décalage se fait le plus fort lors des trajets en métro, face à ces personnes qui baignent dans leur routine parisienne.
Encore une fois, je réalise face à mon sommeil et mes siestes de 2h la fatigue accumulée et les tensions qui s’évacuent par le repos. Encore une fois les cauchemars viennent ponctuer ce sommeil. Je ne comprends pas vraiment comment m’actualiser sur pôle emploi, je règle certaines paperasses, je vais chez le médecin, lance petit à petit les retrouvailles amicales, réinvestis mon espace avec quelques nouvelles fleurs. Et après l’effervescence du retour, que se passe-t-il? Pourtant le vide n’est pas total car plusieurs radios m’ont contactée au sujet de mon petit guide sur la rupture sentimentale. Mais je ne songe pas au repos mais déjà à la suite. Je veux avancer sur mon autre projet de guide, je veux aussi repartir, éviter les temps morts propices aux ruminations et à la mélancolie, éviter les “et si?”. Comme si l’effervescence me protégerait. Mais de quoi ? De voir ma réalité en face plutôt que de me concentrer sur celles des autres, sans doute.