Dès le lendemain de la publication du précédent anniversaire, mon moral a plongé. Je ne sais pas si finalement j’étais en période « lune de miel » sans m’en rendre compte ou si c’est tout le reste qui m’a rattrapé d’un coup.
Il faut dire que c’est une mission bien différente des autres.
Ou pas.
Pendant ces premiers mois je voyais dans le Cameroun une mission « mature », un environnement professionnel solide, un environnement social classique. Une certaine liberté de mouvement, des bars, des cafés, quelques lieux culturels. Des familles. Il est vrai que pour une fois j’ai l’impression d’être sur une mission où il y a une vision, un socle. Cela tient peut-être aussi de mon poste qui me rapproche des décideurs contrairement aux précédents. C’était un peu mon prisme de vision pour tous les autres éléments de mon quotidien. Jusqu’à ce que je réalise que les histoires de petites culottes sont au cœur du quotidien des expatriés, ici aussi. Je pensais que ce n’était qu’en RCA que le côté « colonie de vacances » existait. En Birmanie oui un peu mais pas tant. En Jordanie, pas du tout. Et j’ai été pas mal de fois consternée de ce que je voyais, de ce que j’entendais.
Ce qu’il y a de différent par contre c’est mon éloignement du terrain. Je ne suis plus dans la mise en place directe d’activités mais au cran d’au-dessus.
Mes humeurs ont été comme la couleur de mes cheveux, changeantes. J’ai déjà l’impression qu’ils ont beaucoup trop poussé et rêve de pouvoir leur donner un coup de ciseau comme pour me décharger d’un surplus. Moins de cheveux sur la tête, plus d’air dans les neurones ?
Notre collègue qui a malheureusement décompensé m’a poussée aussi à passer un pacte avec ma collègue-colloc : qu’on doit veiller l’une sur l’autre avec respect et douceur pour éviter qu’on finisse en psychiatrie. Je me souvenais d’une nuit d’orage apocalyptique à Bangui où une collègue avait fait une crise de tétanie voulait partir à la clinique mais un arbre était tombé sur la route bloquant la voiture. Avec une autre collègue à ce moment-là nous avions fait le pacte de l’apocalypse (oui oui, toi Ann-Sophie). De veiller l’une sur l’autre. A croire que le pacte est toujours fonctionnel car nous sommes toujours en lien rapproché.
Mon responsable à la mi-novembre, alors que nous déjeunions ensemble, me sort « tu dois commencer à fatiguer non ? ». Sur le moment j’ai répondu à « ah mais pas du tout, non ça va » tout à fait spontané. En fait je crois qu’on ne réalise pas toujours comment certaines petites choses peuvent s’empiler discrètement dans un coin. Parfois une chose un peu plus grosse complète le tas. La poussière s’accumule bien entendu en même temps. Et à un moment, ça commence à prendre trop de place.
C’est à ce moment-là que le break est nécessaire.
Retrouver ses racines. Retrouver le fil dans les repères qui existent depuis toujours : amis, famille, lieux, symboles.
Ce n’est pas facile de réussir à faire basculer l’humeur, à prendre du recul, à relativiser quand on baigne dans un environnement inhabituel. Se dire que ces histoires, ce ne sont que des enfantillages qui ne représentent rien à l’échelle d’une vie. Se tourner vers les bonnes personnes, fiables, droites et respectueuses. Celles qui me connaissent. Prendre du recul et se concentrer sur les personnes qui ont pour le coup réellement besoin de notre attention, de notre énergie.
Lors d’un atelier sur le programme de réponses d’urgences (mécanisme de réponses rapides), j’étais probablement la plus jeune. Je regardais autour de moi ces femmes qui devaient être dans la quarantaine voire la cinquantaine (je suis nulle pour donner des âges, j’espère qu’elles ne se vexeront pas). Est-ce que moi aussi, quand j’aurais 40 ou 50 ans je serais encore entre deux continents ? D’une certaine façon, l’idée ne me déplaisait pas.
La question au fond est : est-ce que moi aussi je m’expatrierai avec ma famille ? la supposée famille que j’aurais fondée d’ici là ?
Sur le chemin du retour de cette réunion avec mon responsable, il m’évoque l’année de son diplôme. Je réalise qu’il a tout juste un an de plus que moi. Il a un an de plus que moi, une femme, deux enfants. Il me rappelle que nous avons déjà eu cette conversation en février dernier. J’avais déjà refoulé cette information.
C’est un peu là où je me dis que je suis (un peu) en décalage.
Une autre nenette que je connaissais de Bangui (et que ma collègue-colloc connait aussi, petit monde) est enceinte.
C’est un peu là où je me dis que je suis un peu (trop) en décalage.
Le prochain Camerouniversaire sera sur le chemin du retour à Yaoundé. Le break arrive d’ici 2 semaines. Retrouver le froid. Retrouver la COVID. Retrouver les amis (si possible).
En tout cas, j’ai acheté des pagnes et commencé la confection de vêtements mais je n’ai toujours pas acheté de plantes…