Autant de noms exotiques qui ont occupés mes journées. Cette semaine a été très intéressante car j’ai pu aller visiter certains centres de santé. La première chose qui m’a surprise est le faible nombre de patients dans le centre hospitalier principal. A Bangui, il y avait plusieurs patients par lit, les salles débordaient, les médecins ne savaient pas toujours où donner de la tête. Ici, il y a qu’une salle de suivi. Alors certes, nous ne sommes pas encore en période de soudure, les greniers ne sont pas vides et il est « normal » d’avoir peu de bénéficiaires. Mais même dans les périodes plutôt calmes, les salles ne désemplissaient pas en RCA. Un autre élément à prendre en compte est que nous sommes aussi dans la brousse et non à la capitale. Mais à Yaoundé, il n’y a pas les mêmes difficultés qu’à Bangui.
J’ai reconnu le signe de mon intégration dans l’équipe. Certains collègues m’appellent déjà « maman ». Je retrouve donc les « maman » et les « papa ». Ils sont heureux d’avoir un « psy » dans l’équipe et sont vraiment en demande. Certains chefs de centre me recherchent pour tailler bavette mais aussi réfléchir sur les solutions à envisager pour aller plus loin dans leurs activités. Ce qu’il faut savoir c’est que chaque pays a son protocole national de prise en charge de la malnutrition et il y est inscrit une partie sur les stimulations physiques et émotionnelles sauf que personne ne s’en préoccupent vraiment, à la fois par manque de connaissances sur ces thématiques mais aussi par manque de ressources humaines disponibles. Il n’y a pas de spécialistes alors comment bricoler ? est-ce bien de bricoler ? L’un des chefs de centre me confiaient qu’au début de sa carrière (il est âgé donc je suppose il y a au moins 20/30 ans) les agents de santé ne savaient pas ce que c’était que la malnutrition et quand un enfant arrivait tout maigre, ils perfusaient et gavaient ce qui provoquaient un choc chez l’enfant qui allait droit vers sa mort. Il me disait qu’ils ont tués de nombreux petits bouts en pensant bien faire car ils ne savaient pas. J’ai été touché par son honnêteté. Après nous avons dévié sur son séjour à Brest. Il a passé 1 mois en France il y a bien longtemps et ce qui l’a le plus déplu est le manque de chaleur humaine. Et c’est vrai. Le rapport n’est pas du tout le même ici qu’en France. Et je peux comprendre que lorsqu’on est habitué à saluer tout le monde, cela fait bizarre de ne même pas dire bonjour à son voisin.
Ce week-end a été l’occasion de faire un tour pour partir à la recherche de quelques babioles, notamment en passant au marché artisanal et au village artisanal. Globalement, il n’y a pas grand-chose… Beaucoup de cuirs sous différentes formes, des meubles en cornes de vaches (car ici elles ont des sacrées cornes), des pots tressés en paille, des outils forgés… Mon petit per diem ne va donc pas trop s’envoler et ma valise retour pas trop s’alourdir. Encore une fois je ressens les vestiges d’un tourisme d’autrefois. Et c’est dimanche, l’entraîneur du tennis qui nous explique avec ma collègue qu’auparavant, ce petit lieu sportif était très fréquenté. Nous constatons la piscine vide. Il raconte qu’il y avait même des cours d’équitations, des soirées à thèmes, que les expatriés se mélangeaient aux touristes et aux camerounais, tout le monde était heureux. Maintenant, c’est la galère alors il est content de nous voir. Il sait bien que les touristes ne peuvent plus venir dans cette zone rouge, un basculement depuis 2011. Même les expatriés sont rares. Il nous dit que pour les gens ici c’est compliqué car eux même ne peuvent pas aller et venir où ils veulent, eux-même n’ont plus la liberté des sorties récréatives, des sorties “qui font du bien”. Des lieux à quelques heures de Maroua sont dorénavant perçus comme dangereux.
En parlant de voyage, justement l’une de mes collègues m’expliquait qu’elle avait des migraines ophtalmiques et qu’elle serait absente du bureau jeudi et vendredi. Un autre collègue que je croise sur le terrain me demande si je suis au courant qu’elle sera absente en me donnait le motif « qu’elle voyage ». Je lui dis que oui car elle va chez l’ophtalmo. Puis d’un coup je réalise que pour aller chez l’ophtalmo il faut effectivement voyager. L’accès aux soins est vraiment problématique et leurs qualités semblent se questionner car j’ai déjà entendu plusieurs histoires de personnes hospitalisées ici qui ressortent les deux pieds devant…
En parlant de devant, justement, je me questionne déjà sur la suite. Il y a toujours très peu d’offres d’emploi dans mon secteur, je ne trouve pas le temps d’avancer sur la rédaction de mon autre projet de petit guide, et surtout, je n’ai pas envie de traîner les angoisses de l’attente à Paris. Remplir le vide. Encore et toujours. Même lorsque le vide n’est pas encore vide. Il y a l’anticipation du vide à venir.
En attendant, je planifie ma semaine sachant qu’elle va passer bien vite mais avec un léger pincement au cœur de ne pas être sur Paris mardi car mon petit livre sort ! Ma mère a déjà reçu mon carton contenant mes exemplaires mais je vais devoir attendre encore avant de le tenir entre mes mains. Et si j’ai bien mon vol UNHAS de vendredi, le prochain billet sera écrit depuis N’djaména…