Mercredi soir, la veille de mon dernier article programmé, je reçois mes billets d’avion pour Amman. Départ le 15 janvier à 10h55. Escale à Frankfurt. Arrivée à Amman pour l’apéro. Ouais, non, pas pour l’apéro.
A 22h09. Et mes neurones s’agitent. Comme des parasites, je sens que ça remue, que ça s’affole, que ça gesticule dans ma dure-mère. La nuit va être compliquée. Il y a un mélange entre l’enthousiasme de repartir à l’aventure, d’ajouter cette expérience sur ma ligne de vie d’un côté et la morosité des journées trop courtes mêlée à la fatigue de la fin d’année. Mon stress ne sait plus s’il doit être positif ou négatif. Mais il est là.
Je m’endors donc sur ces pensées pour me rêver en train d’agresser des inconnus dans le métro, manquer ma station, descendre à l’arrêt « BIRMANIE » (maudit inconscient), arrivée 1h30 en retard au bureau. Je rêve plus tard que j’invite des amis chez moi, que je me retrouve à en virer une car j’en avais marre de voir sa tête, pour m’écrouler en larmes dans les bras de mon amie décédée en avril dernier (maudit d’maudit inconscient).
Je n’ai pas besoin de triturer longtemps, l’analyse est simple.
Et puis me voilà en face de Géraldine (oui Virginie, encore elle) vendredi. Dernier jour ensemble au bureau : elle part en congés 2 semaines, je pars en mission 6 mois et demi. Les prémisses des au-revoir à 3 semaines de mon départ. Ça commence.
Les fêtes de fin d’année sont un masque voilant l’abattement des premiers jours de l’hiver et leur maussaderie. Les guirlandes, les illuminations détournent l’attention de nos petits nombrils. Mais parfois elles ne suffisent pas. On mange en excès non pas par appétit mais par ennui. Des cadeaux pour combler un vide.
Noël semble pour ma part devenu le catalyseur des embrouilles de famille. Je me suis souvent considérée comme la Suisse, ne prenant pas partie, restant objective. Le problème de celui qui ne se positionne pas, c’est qu’il est aussi celui à qui on dit tout. Se retrouver au milieu de tout ça, à quelques semaines de partir, ajoute à l’épuisement. Même des vidéos de pandas jouant dans la neige ou sur des toboggans ne suffisent pas toujours.
La distraction se trouve alors dans l’apprentissage de l’arabe. Ce qui amuse beaucoup mes collègues. Mon accent n’est pas des plus merveilleux, certes. Mais j’essaie. Je commence à mémoriser. J’aime cette gymnastique cérébrale mais j’aime aussi la concentration qu’elle demande, m’isolant ainsi du monde extérieur pour me visualiser uniquement dans la représentation que je me fais de ma vie en Jordanie. Là, dans cette bulle autistique, je me demande si je dois saisir l’opportunité d’un logement pas trop mal, un chouille cher, mais grand avec une belle vue. Dans cette bulle, je vide mes placards et commodes, je trie mes médicaments, je fais un sac de fringues pour la Croix-Rouge. Dans cette bulle, je repense à la Birmanie. Je rigole de voir Chopard à Amman quand je cherche les supermarchés. Et mes amis, voyant le départ approcher, me disent régulièrement : « mais tu vas faire un pot de départ ? ». On verra.
Je suis l’ambivalence. Comme je disais à une autre collègue en traînant dans le 11ème en quête de cadeaux, tout va bien, je n’ai à me plaindre de rien, mais pourtant je sens un boulet à ma cheville. La scène avec Anaïs devant notre pinte et la BD « s’enfuir » me revient.
Humpf.
Je prépare ma passation, je trie mes bannettes, range mes placards au bureau et tombe avec plaisir sur mon gribouillage qui a été la première bannière de ce blog. De Paris à Yangon en un trait de crayon. De Paris à Amman en un trait de caractère.