Retournée

Je crois que c’est le premier week-end que j’ai passé « normalement » à Paris depuis la fin de mon contrat camerounais. Par normal j’entends que je n’ai pris que métro et bus, que je n’étais pas en train de refaire une valise et de me demander ce que je devais mettre dedans, que je n’avais pas de réveil. Par normal j’entends : j’avais du temps pour moi.

Comprendre : je me suis endormie 2 heures samedi après-midi, me réveille juste pour diner, regarder ma série et me rendormir après.

Parfois je suis un peu rassurée de la vie parisienne, notamment quand une copine me propose un déj non prévu quelques heures plus tôt et que je la rejoins après avoir acheté des « tricots de peau » en prévision de mon prochain passage en Ukraine.

Se ré acclimater à Paris. Clairement la saison n’est pas idéale pour revenir prendre ses quartiers. J’ai froid, je suis blanche, mes avant-bras perdent peu à peu leur blondeur. Absolument aucune motivation à faire une quelconque activité physique. Mon linge met trois jours à sécher dans mon salon là où il prenait une demi-journée sur mon balcon à Yaoundé. J’ai acheté des plantes vertes pour me planter de nouvelles racines. J’essaie.

Et un jour par semaine (et ça tombe mardi cette semaine) me prend l’envie de repartir en mission. D’aller là où personne ne m’attend mais où je me sens à ma place. J’ai choisi ce poste parce qu’il devait me garantir pas mal de terrain mais finalement la réalité est sensiblement différente. Les missions sont sous l’eau et rechignent à accueillir “les gens du siège” j’ai parfois l’impression. Et pourtant je me dis “mais je ne suis pas rentrée à Paris pour rester sur place !”. Tout mon paradoxe actuel. Alors je boude quand la Roumanie me demande de décaler ma visite et grogne lorsque l’Ukraine met 10 jours à me donner le feu vert (que j’attends encore).

Vendredi je dinais avec Victor, mon collègue/colloc de Yaoundé. Lundi dernier j’étais avec Caroline, ma collègue/colloc de Yaoundé. Le Cameroun est encore bien présent dans mon quotidien. C’est tout de même rassurant cette continuité géographique. D’un continent à un autre, les liens existent par le passage des uns et des autres, en transit en Paris ou autour d’un plateau d’huitres à Andernos.

Je soupire beaucoup quand même. Les épaules crispées.

Le télétravail. Je sais que je devrais me forcer davantage à aller au siège, créer une vraie routine, parler à des gens plutôt que de rester enfermée chez moi. Mais le matin, j’ai du mal à me sortir du lit. Du mal à me mettre en route. Et puis tout comme mon amie me propose un déjeuner, une collègue me propose de venir au siège et d’aller avec elle à la soirée que l’ONG organise dans le cadre du déménagement. Je suis touchée des attentions des uns et des autres.

La bande. Je reconnecte petit à petit avec les amitiés parisiennes. Je signale mon retour au compte-goutte et organise des apéros ou des cafés par ci par là, kette kette (doucement doucement en Sango). Je sors peu à peu de l’expatriation comme un ours sort d’hibernation. Mais je sens que je dois me forcer. Là où ma routine camerounaise était ancrée, vendredi lessive, samedi repassage même en gueule de bois, ménage du week-end, cuisine le dimanche après-midi pour diner avec le compagnon d’un temps le soir. Vendredi pizzeria puis sortie. Samedi dîner puis sortie. Lundi et mardi souvent sage. Mercredi… oh allez au moins un verre. L’avantage doit être que ma consommation hebdomadaire d’alcool a diminué (hormis avec ma mère). Le désavantage est de baigner dans un creux. Une petite marre d’eau froide. Un fond de sable mouvant. Paris.