Toujours avec du retard mais j’y tiens quand même. Peut-être que la difficulté à tenir la cadence vient du fait que le temps file à une vitesse illogique. Pourtant ce mois de juillet n’a pas été de tout repos.
Mon dernier break a été assez particulier. J’ai commencé par dormir. Dormir. Dormir. Dormir tellement que j’ai pensé avoir ramené un germe exotique. Cela m’emmène donc au service de médecine tropicale de St Louis. Je fais tous les examens, remplis tous les pots qu’on me tend. Et ensuite j’attends. J’attends. J’attends. J’attends tellement que je m’inquiète car je dors toujours autant, je suis épuisée, j’ai mal au ventre, je me sens mal et je ne sais même pas ce que j’ai. Je ne peux rien prendre car je dois attendre les résultats. Mon médecin m’arrête car le retour approchait et je n’avais toujours pas de résultat. Puis ils arrivent. Tout va bien.
Comment tout peut aller bien alors que je me sens si mal ? Je comprends donc que le problème ne se situe pas nécessairement dans mon ventre mais plutôt dans mon esprit. Ce constat-là a été très dur à accepter, je l’ai vécu comme un aveu de faiblesse, comme un signe que je n’étais pas capable de mener cette mission, que je n’étais pas assez forte pour affronter ce yoyo, ces inepties du monde. Comment se prétendre apte, aimer son job à ce point et pourtant s’effondrer en break. Je suis cette petite nature blanche qui prétend être en mesure d’apporter son aide à des personnes dans un état de détresse surréaliste et qui s’effondre au bout de 10 mois alors qu’ils font face à bien pire pendant bien plus longtemps. Est-ce parce que j’ai ce recul qui me fait dire que cette réalité, leur réalité, n’est juste pas acceptable qui m’a rendu si fragile ? qui m’a usée ?
Toujours est-il que je suis bien remontée dans l’avion et que le mois de juillet a filé. Ma fin de contrat initialement prévue pour le 10 août sera pour le 31 août. J’ai décidé d’ajouter ces quelques semaines pour me permettre de finir plus sereinement cette mission, de prendre le temps de capitaliser de cette année. J’ai décidé de repousser une dernière fois l’échéance ne me sentant pas capable de gérer la suite, le vide.
Côté job, je vois les fruits pousser : mon équipe met en pratique la formation que j’ai animée sur la motricité, le désengagement d’ACF dans certains centres de santé n’est pas synonyme d’arrêt des activités en santé mentale et pratiques de soins, mon partenariat avec un centre de rééducation va se concrétiser en août. J’utilise mon dernier élan pour finaliser quelques dossiers et surtout faire ce que j’aime : aller de centres en centres, papoter avec les équipes soignantes, les écouter. Je garde aussi quelques forces pour finir le manuscrit que je dois rendre d’ici la fin août à la maison d’éditions. Enfin, je finis mes forces dans les longueurs à la piscine bien que la saison des pluies m’empêche de m’y rendre aussi régulièrement qu’auparavant.
Comme disait mon ancienne responsable sur la base « cette mission n’est pas un sprint mais un marathon ».
Comme je disais en partant « de toute façon, dans 6 mois, c’est fini ».
J’ai connu une phase de découragement entre le banguiversaire 9 et le banguiversaire 10. Je perdais le sens de ma présence ici, les conditions de vie pèsent: ne pas pouvoir se déplacer librement, vivre avec une dizaine d’autres collègues, avoir les visiteurs du siège qui se succèdent à un rythme effréné depuis quelques semaines. La mission a été en difficulté sur d’autres aspects et le quotidien devient facilement morose. Mais là, je vois la fin arriver. Cette fois-ci, je ne prolongerai pas.
11 mois à Bangui. Qui l’eut cru. J’essaie d’anticiper le retour, je sais qu’un canapé m’attendra fin septembre, je songe à commander quelques petites choses pour mon intérieur mais aussi ma garde-robe (oui, je vais faire le tri maman), je réfléchis à comment occuper ce retour, un petit week-end chez une copine par-ci, un autre par là. Je projette de suivre une nouvelle formation et me demande bien à quoi va ressembler la vie de chômeuse… Mais bon, encore un mois avant l’autre grand saut.