Avec les aléas des dernières semaines, je me suis posée beaucoup de question sur mon karma. Mon cerveau avait besoin de donner un sens à ces événements. Le cerveau de façon générale a besoin de comprendre ce qui se passe pour adapter la réponse de l’organisme. De par ma vision des choses je suis allée chercher dans mon karma, je suis allée questionner les amis « mais est-ce que j’ai vraiment et intentionnellement fait de la m*rde à ce point ? ». C’est là que ma colloc/collègue me dit « mais ne cherche pas à y voir une punition, peut-être que c’est plutôt pour te protéger de quelque chose ». Cette vision des choses a aussi été alimenté par ma mère « on veille sur toi ».
Je passe donc Noël en étant encore positive mais les médecins nous ont accordé le droit de sortie expliquant que nous ne sommes quasiment plus contagieuses et qu’avec les gestes barrières le risque se réduit « à presque 0 ».
Pour le réveillon de Noël, ce sera pâtes carbonara chez notre ami italien avec un autre ami marocain, les 4 qui n’ont pas voyagés pour les fêtes… C’est sans doute le premier réveillon de Noël (et Noël) le moins Noël. Une soirée presque comme une autre : une bonne bouffe et sortir boire un verre. On croise finalement d’autres expat qui ont décidé de rester (plus ou moins de leur plein gré), essentiellement des personnes travaillant pour les ambassades.
On écoute des chants de Noël et dehors il fait 28 degrés.
On trinque quand même au champagne pour marquer le coup.
Où est passé Noël… ?
Au moment où j’écris ces lignes, je devrais déjà être dans l’avion du retour. Ma valise est toujours prête derrière moi. Mes cadeaux de Noël prennent la poussière. Il faudra peut-être que je songe à redresser le pot de confiture que j’ai calé dans un juju hat.
En même temps, Noël… oui c’est agréable de faire son sapin, de mettre son énergie dans les bonnes idées cadeaux mais une fois le 25 arrivé, l’anticipation retombe comme un soufflé et la dinde qui était sur son plateau d’argent finit dans un Tupperware.
La bonne surprise c’est que je me suis mise en tête d’occuper mon samedi matin à chercher une tenue pour le réveillon du nouvel an (je voulais des sequins) et j’ai trouvé en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Une petite échoppe dans mon quartier. Une robe H&M. Là, on peut le dire, je pense que mon week-end à Kribi sera amplement mérité. J’ai déjà réservé la planche de bodyboard d’un ami qui tient un bar pour l’occasion là-bas. Nous avons hâte de nous précipiter dans l’eau. Par contre, je prépare mon sac la veille pour ne pas me porter la poisse cette fois-ci.
Au bureau le job est très intéressant car nous travaillons à l’écriture de projets pour soumettre aux financements européens. J’ai donc le champ libre pour créer le projet en santé mentale qui me semble le plus adapté selon les situations dans le sud-ouest mais aussi l’extrême nord. Pour le nord, cela est d’autant plus captivant comme gymnastique que nous prévoyons d’écrire la proposition avec une autre ONG française qui travaille dans d’autres domaines d’interventions. Il me faut donc méditer sur comment imbriquer par exemple la santé mentale dans une activité de distribution de protection menstruelle aussi bien que dans la mise en place d’activités génératrices de revenu. Si j’arrive à proposer d’ici mercredi, avant mon départ, je serai encore plus heureuse. Cependant je dois confesser que la difficulté de concentration, la fatigue et les maux de tête sont encore bien là.
Nous surveillons aussi au bureau la crise centrafricaine qui prend de l’ampleur. J’ai proposé un modèle de réponse intégrant la santé mentale et le soutien psychosocial aux activités déjà en cours dans l’Est du pays, à la frontière avec la RCA. Parfois je me sens un peu seule quand on me dit « oui oui, on pourra faire ça en phase 2 du projet » et qu’en réponse j’élabore mon plaidoyer « sauf que l’impact psychologique des traumatismes vécus par la population est immédiat et en intervenant tôt on peut en limiter les effets à moyen et long terme ». Alors oui, si on veut être fin dans l’analyse, je dis immédiat mais pour certains les symptômes post-traumatiques éclateront bien plus tard. Cependant une prise en charge précoce pourrait vraiment aider ces personnes à se relever et aussi à éviter les mauvaises stratégies de gestion du stress (alcool et drogues qui conduisent à la violence….et au cercle vicieux). Le tout en intégrant bien entendu les réponses entre elles : soins de santé primaire, distribution de kits d’hygiène…
J’ai l’impression que la santé mentale est un peu cette activité « qui fait bien » sur le papier mais comme ce n’est pas couteux financièrement, ça ne se distingue pas vraiment. Puis ce n’est pas une activité où le « rendement » est quantitativement parlant. Animer des groupes de paroles par exemple c’est proposer plusieurs sessions pour mener un appui thérapeutique. On peut attendre plusieurs centaines de personnes en quelques mois. Mais face à cela, on va distribuer des kits d’hygiène domestique par exemple, on va de suite atteindre des milliers de personnes car c’est une famille entière qui va pouvoir bénéficier directement des bassines, bâches, nattes… et le constat est immédiat. Alors que nous… il faut un peu plus de temps.
Alors oui, on pourrait dire qu’on va « sensibiliser » des milliers de personnes mais concrètement, en gros, une sensibilisation c’est expliquer avec un mégaphone ce que c’est que le stress et dire qu’ACF propose des activités de soutien. Ça fait du chiffre donc c’est plus parlant mais en terme d’impact je ne vois pas bien vraiment la portée (même si c’est une activité indispensable au démarrage).
Donc je guette cette fin d’année avec quelques doutes quant à la suite : vais-je redevenir un jour négative ? vais-je pouvoir poser mes congés ? vais-je pouvoir ouvrir les milles colis que j’ai fait livrer chez ma mère ? vais-je parvenir à proposer des projets de qualité ? Vont-ils être financés ?
Bon je vais allez filtrer mon jus de bissap.
Ça au moins, ça ne déçoit jamais.