Après le chant des sirènes…

Gisèle a été bien trop silencieuse. Pourtant j’avais entamé des articles en Ukraine et en Pologne mais je n’ai jamais pris le temps de les finir. J’avais même préparé un autre post en novembre dernier que je n’avais jamais publié (mais le voilà en ligne aujourd’hui). Et me voilà à nouveau à l’aube d’une fin de mission qui s’est essentiellement déroulée en France. Un poste siège avec durée déterminée bien que prolongée 2 fois pour passer de 4 mois à 10. Reflet aussi d’un besoin d’appui renforcé pour répondre à cette crise Ukrainienne avec des équipes, dans trois pays…

Cette crise, qui a pris beaucoup de mon optimisme et de mon énergie. Avec le recul, je réalise que ce n’était pas facile. Basculer d’un univers à l’autre. Changer son positionnement professionnel, ne plus être du terrain mais devenir du siège. Ne plus agir mais conseiller. Et entre nous, je n’aimais pas vraiment ça. Cet éloignement du terrain me fait aussi remarquer toutes les failles que seule la distance nous pointe. Cependant j’ai appris. Du fonctionnement humanitaire, des approches partenariales, de la « décolonisation du secteur ». J’ai appris de mes collègues psychologues, d’ici ou d’ailleurs.

Avec les beaux jours, des envies de départ arrivent. J’ai quasiment commencé toutes mes missions fin août, comme des étés à rallonge. Des offres de postes que j’avais généralement début juillet. Et là, je n’ai rien à l’horizon. Mais je ressens cette urgence de vivre des « choses », de partir découvrir et après presqu’un an à Paris, j’ai les pieds qui démangent. Et en même temps, cette année à Paris ma rappelé la notion de temps. L’expatriation nous met dans des bulles, des failles spatio-temporelles où le temps s’écoule à une vitesse folle, dans une saison qui demeure quasi identique (car même la saison des pluies apparaît comme une saison estivale pour la parisienne que je suis) mais avec un quotidien qui peut être riche en découvertes. Baigner dans un environnement sensoriel si différent nourrit. Il protège aussi, comme une illusion de cocoon, de confort. Un carpe diem géographique. Et à Paris, d’un coup, je réalise que je vais avoir 36 ans (dans ma tête j’en ai… allez disons 22), que le temps passe aussi très vite mais avec moins de découverte ce qui donne un sentiment d’inertie. Le principe de réalité est tout autre, la pression sociale plus marquée. Ces derniers mois je troquais la lecture pour dérouler le fil des réseaux sociaux sans but. Je repensais souvent au Cameroun avec nostalgie. Je dormais beaucoup. Une forme de rejet du quotidien je crois. J’ai mis quelques temps à reprendre ma routine, télétravail ou bureau, métro ou dodo. Maintenant qu’elle semble un peu plus en place, je veux fuir. Tellement classique. Quasi prévisible.

Dix années que je suis dans ce monde humanitaire, parfois avec enthousiasme, parfois avec écœurement. Alors je repense au chemin parcouru, aux témoins de ces aventures, même ceux qui ne sont plus. Que penseraient-ils ?

Alors je me dis : Clara, trouve-toi un projet. Quelque chose qui calme tes démangeaisons aux pieds. Et cela faisait quelques mois que j’étais reparti à la recherche d’une maison d’édition pour mon guide sur l’expatriation car celle qui était intéressée m’a finalement ghostée. Plus de nouvelles d’un coup, d’un seul. Dommage. 13 emails envoyés à d’autres maisons, chacun un peu espacé au cas où ça morde, voilà enfin une réponse d’intérêt ce 6 juin. Proposition de rendez-vous pour la semaine de mon anniversaire. Je pense à une bonne étoile. J’ai peur que relire mon propre guide confirme mon envie de repartir. Mais une partie de mon vœu a été exaucé, enfin il semblerait. Je touche un peu de bois en attendant par peur de la déconvenue.

Alors que j’entame mes passations et mes rapports, que je cherche à recruter l’équipe qui restera en place après mon départ, je vois déjà cette bouée qui limitera le vide professionnel d’envahir tout l’espace. Ma tête est certaine en plein tourbillon mais un petit neurone, dans un coin, me murmure « ça va aller ».

Finalement je démarre une nouvelle lecture (Marie Robert). Voici la citation en ouverture du livre:

Je n’ai pas fini ma cartographie alors.

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